La scénographie de La Retraite de Corneille
Sur le principe d’une chambre noire, la scène s’ouvre et se ferme par deux grandes portes délimitant des espaces toujours différents. Dans sa plus grande ouverture, le plateau atteint presque huit mètres pour se rétrécir à quelques centimètres dans d’autres tableaux. Un système de cadre intérieur doré permet de donner toujours l’impression d’une peinture animée. Cette ouverture/fermeture de portes ponctue les 36 tableaux de ce montage en leur incluant un rythme personnel : s’ouvrant lentement ou rapidement, se fermant avec majesté ou célérité, coupant le texte qui continue à se dérouler, se calquant sur la musique, jouant avec elle. A la fois marquant les années qui passent et délimitant des espaces différents (bureau, chambre, toilettes, scène de théâtre…), ce mouvement de va et vient accompagne aussi l’espace « intérieur » de Corneille ; il en devient la pulsion, le cœur, le battement. La Madeleine pénitente (Georges de La Tour/New York – Metropolitum Museum) Il n’y a pas de décor à proprement parler : seulement quelques petites pièces de mobilier (table, fauteuil, chaise, chaise percée…) et quelques objets (livres, miroir, cruche…) qui varient en fonction de chaque tableau. Un essai de crédibilité, sans tomber dans la reproduction historique à tout crin, a été le maître mot dans le choix de certains objets : plat d’étain, bougeoirs en cuivre, mobilier copie Louis XIII… Maison de campagne de Corneille à Petit Couronne Afin de donner néanmoins une certaine véracité à l’ensemble et d’ancrer notre spectacle dans « le patrimoine pictural » du 17ème siècle, nous nous sommes servis de tableaux de Lubin Baugin par exemple comme modèles pour nos natures mortes. Les 5 sens (Lubin Baugin) Chaque tableau, fonctionne comme une chambre optique, une « camera oscura ». Seuls sont éclairés, comme chez les caravagesques ou chez La Tour, le personnage central et son entourage immédiat, les fonds restant obscurs. La lumière est le plus souvent « naturelle » (bougie, lanterne…) et l’éclairage électrique ne vient que renforcer cette source lumineuse souvent (mais pas systématiquement) visible. Néanmoins, au fur et à mesure de la renaissance de Corneille au théâtre, la scène est de plus en plus éclairée et des éléments extérieurs (le soleil par la fenêtre, la luminosité d’une aube printanière, un clair de lune) ravivent les couleurs et effacent les bougies, maintenant inutiles, donc éteintes. Saint Jérôme pénitent à l'auréole (Georges de La Tour/Grenoble – Musée des Beaux Arts) Le titre de chaque tableau est annoncé par un musicien installé en avant-scène (le violiste Prosper Lugassy) après ou avant une courte pièce d’introduction musicale. Un peu à la manière de Marin Marais dans son Opération de la taille. Au fur et à mesure des répétitions, il s’est révélé important de conserver deux tableaux intégralement musicaux (Monsieur Corneille céde à la mélancolie et Monsieur de Corneille pleure la mort de Mademoiselle sa mère). Cassant ou soutenant le texte, la musique s’immisce également dans certaines séquences. Bref, de simple ornementation instrumentale au départ, la viole de gambe est devenue partie intégrante du spectacle et le musicien, le partenaire à part entière du comédien, celui-ci l’invitant d’ailleurs à boire un verre en sa compagnie ! Saint Jérôme lisant (Georges de La Tour/Musée du Prado) Un mot sur les costumes dont le parti-pris se veut historique : d’un costume très Louis XIII au départ, le comédien arborera à la fin du spectacle la mode Louis XIV. Corneille (Espace Français) Quant au maquillage et à la perruque, ils ont été étudiés avec soin d’après les portraits de Corneille. La ressemblance obtenue est d’ailleurs frappante ! De même pour le musicien dont la mise a été étudiée d’après des tableaux du XVIIème. Une « mention spéciale » doit également être décernée à Sophie Guizbourg qui a dessiné l’affiche du spectacle ainsi que le recto du tract informatif. Le graphisme apparenté à une gravure sur bois, le positionnement du personnage en pleine méditation, la présence du livre (accessoire primordial du spectacle), le cadre évoquant celui qui cerne les tableaux de La Retraite, les couleurs employées (le gris et le vert sombre), la calligraphie enfin traitée à l’ancienne, autant de détails qui firent que ces visuels offraient des approches cohérentes du spectacle et que la démarche médiatique s’en trouva amplement simplifiée. L'affiche de Corneille |