La Trovppe de Tovs les Plaisirs

La Trovppe de Tovs les Plaisirs

 

Réflexions diverses



La Trovppe de Tovs les Plaisirs a été sollicitée par la Ville de Nancy pour apporter sa contribution aux manifestations qui ont commémoré les 250 ans de la place Stanislas dans le cadre de "Nancy, ville des Lumières". A cette occasion, nous avons proposé de remonter le Divertissement exécuté sur le nouveau Théâtre de Nancy, composé par le Nancéen Charles Palissot de Montenoy pour l’inauguration de la statue de Louis XV sur l’actuelle place Stanislas.
Le concepteur

La pièce est intéressante à deux titres : comme témoignage et comme objet théâtral.

Remonter cette pièce a en effet comme intérêt premier de témoigner de ce qui s’est fait il y a deux cent cinquante ans, lors de l’inauguration de la place Royale. Montrer comment, alors, on a commémoré ce qu’on veut commémorer aujourd’hui. Une démarche donc résolument patrimoniale : exhumer le passé pour servir de leçon ou de miroir au présent, faire un pont entre les fêtes de 1755 et celles de 2005. Dans cette optique, il est évident que la pièce doit être remontée avec le minimum d’"authenticité", avec science, rigueur et respect, comme on restaure un tableau ancien ou un monument historique. Mais en employant, comme dans la restauration, des moyens contemporains : tout l’arsenal technique de notre époque au service de la résurrection de l’œuvre.

Sans passéisme aucun cependant. Nous sommes deux siècles et demi après : ni la technique (voir ci-dessus) ni les mentalités ne sont les mêmes. Il est donc illusoire (et vain) de prétendre restituer la pièce exactement comme elle fut ce 26 novembre 1755. Malgré la rigueur et le respect mentionnés plus haut, notre regard sur la pièce n’est pas le même que celui des contemporains. Il y aura donc nécessairement une relecture, une réappropriation de la pièce, à condition que celles-ci restent au service de l’œuvre, cherchent à l’éclairer, à lui donner les meilleures chances d’être comprise, appréciée et goûtée par des spectateurs de 2005. Sans que cette relecture viole l’œuvre, comme c’est trop souvent le cas au théâtre. Avec la même attitude que, par exemple, les musiciens face à une partition.

On comprend donc que la représentation sera "en costumes", que la musique sera "d’époque" et que l’esthétique sera délibérément "baroque". Tout ceci, répètons-le, non par manque d’imagination, penchant immodéré pour l’ancien ou esprit "anti-moderne", mais parce que je pense qu’une lecture "contemporaine" (il faudrait plutôt dire "à la mode") serait, en l’espèce, un contresens, une facilité et une faute de goût. D’autant que, j’imagine, il y aura sans doute, comme c’est hautement souhaitable, des créations contemporaines, lors de ces célébrations 2005, visant à retranscrire dans le langage artistique de notre époque l’esthétique "baroque" et l’esprit des Lumières. Aussi, la recréation du Divertissement de 1755 ne me semble-t’elle pas le lieu approprié pour une telle démarche.

Comme objet théâtral, cette pièce est intéressante, pour un metteur-en-scène, par sa mise en action de l’esthétique baroque : le mélange des genres (mythologie et réalisme) et des tons (louangeur ou burlesque), le mélange du dramatique et du lyrique, de la parole et du chant et enfin, les effets de miroir ou d’écho (les private jokes de Palissot qu’il faut tenter d’"expliquer" à des spectateurs contemporains).

Elle est intéressante aussi par son côté scandaleux, qu’il faut bien sûr maintenir et mettre au goût du jour, si l’on veut qu’elle conserve encore quelque piquant et quelque intérêt 250 ans après.

Enfin, toujours théâtralement parlant, elle est intéressante enfin pour les acteurs parce qu’elle fonctionne comme une suite de "numéros d’acteurs" auxquels, en cette période de jeu minimaliste, cela ne peut qu’être une aubaine et une occasion de plaisir pour eux et pour les spectateurs.

Daniel BENOIT


* On notera au passage l’intérêt "documentaire" de la pièce, en dehors de son intérêt patrimonial et théâtral : elle illustre bien les résistances aux Lumières et les luttes souvent farouches auxquelles cela a donné lieu. Histoire de rappeler que rien n’est jamais gagné, hier comme aujourd’hui.
  
© Photos Arno Paul - Liens